« Les déchets des uns seront les besoins des autres »

clikeco

Rendre le tri des déchets désirable et profitable, une idée extravagante ?

C’est pourtant l’objectif que s’est fixé le réseau Clikeco en organisant pour le compte d’entreprises petites ou grandes, la collecte de leurs résidus dangereux.

Organiser le tri au plus près des postes de travail, tel est le pari un peu fou lancé depuis l’Est de la France par des entrepreneurs conscients de rompre avec les habitudes du métier.

Une petite révolution dans le monde du déchet que nous expliquent Steve Jecko, co-fondateur et dirigeant, et Stéphane Araudeau, Associé fondateur.

Comment est née l’idée du réseau Clikeco ?

D’un constat simple : l’inertie du marché de la gestion des déchets. Il y a un siècle, des chevaux tractaient des remorques d’ordures jusqu’aux incinérateurs. Aujourd’hui, les camions ont remplacé les chevaux, mais l’offre n’a pas évolué. Ce qui n’est pas le cas de la réglementation de plus en plus contraignante pour les déchets dits « spéciaux ». Acides, huiles de moteur, solvants ou encore produits cosmétiques sont soumis à une obligation de traitement avec traçabilité. Le producteur des déchets doit pouvoir prouver qu’il a bien orienté ses résidus spéciaux. Les solutions existent pour les gros volumes de déchets. En revanche, pour les petits volumes, le problème reste souvent entier. Or il concerne essentiellement les très petites entreprises (TPE), soit 92% des entreprises en France ! Face à ce besoin, que proposent les grands acteurs du déchet comme Veolia ou Sita ? De mettre une benne encombrante au milieu de la cour… Face à l’absence de solutions adaptées, nous avons décidé en 2004 de créer Clikeco, avec une première agence en Alsace. Aujourd’hui Clikeco, c’est un réseau national dont la mission est de récolter les petits volumes de déchets d’entreprises.

En quoi l’offre proposée par le réseau Clikeco est-elle innovante ?

Nous proposons une rupture radicale avec le système habituel. Techniquement tout d’abord. Au lieu de bennes énormes laissées en plan, Clikeco met à la disposition de ses clients des petites boîtes de 60 litres, appelées Neobox, qui sont placées au plus près du lieu de production des déchets et vidées très régulièrement. Imaginez une personne qui usine une pièce métallique dans son atelier. La Neobox est placée au pied de son établi. Les déchets qu’il produit, comme la limaille de fer, les lunettes de protection et les huiles sont jetées par lui-même dans cette boite. Non seulement, cela lui évite des manutentions lourdes et inutiles à l’autre bout de son atelier, mais en plus il a l’assurance que ses déchets sont correctement traités. La rupture est aussi économique puisque Clikeco propose des forfaits sans engagement comprenant la mise à disposition des boites, la collecte et le traitement des déchets. C’est un service tout inclus. Notre innovation concerne aussi une application Web unique en France que Clikeco a créé et qui permet à nos clients de retrouver l’intégralité de leur suivi réglementaire. Tout producteur de déchets doit avoir en sa possession un document papier qui en trace l’élimination. En quelques clics, c’est chose faite ! L’application a valu à Clikeco en 2007, le Trophée Innovation de la DRIRE (Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement).

Vous dîtes appeler vos clients par leur prénom ? Ce n’est pas très habituel…

Autre originalité de Clikeco. Là aussi, nous proposons de rompre avec les méthodes actuelles de travail. Lorsque nous installons le matériel chez un nouveau client, nous ne nous contentons pas de déposer une boite. La proximité avec nos clients est une règle d’or. Nous passons du temps avec les personnes qui travaillent dans les ateliers, collaborateurs, ouvriers, techniciens… Nous leurs expliquons comment le tri et la collecte fonctionnent et ce que cette organisation va leur apporter dans leur quotidien et pour leur sécurité. Au départ, nous proposons une solution technique mais elle n’est efficace que si les personnes concernées sont mobilisées et sensibilisées. Alors oui, nous connaissons le prénom de nos clients. Nos équipes se chargent de récupérer les boites au sein même des ateliers, là où personne ne va habituellement et quelle que soit l’activité. Qu’il s’agisse d’un horloger au 6ème étage de la rue Lafayette, d’un laboratoire de l’INSERM ou encore d’un prothésiste dentaire, notre approche privilégie le relationnel. Nos équipes sont formées pour ça. Cela nous permet de vérifier le degré de sensibilité des équipes chez nos clients. Nous constatons que les jeunes ont des attentes très fortes en matière de gestion et de recyclage des déchets. Chez les personnes plus expérimentées, c’est beaucoup plus contrasté. Il faut parfois aller contre leurs habitudes. Mais nous pouvons aussi nous retrouver face à une personne qui a été témoin d’un accident lié à son activité, comme une étincelle qui part ou un produit dangereux qui se répand. Elle va être particulièrement sensible aux éléments de tri sécurisé que nous proposons.

Qu’entendez-vous par rendre le tri « profitable et désirable » ?

Profitable car notre modèle est fondé sur des économies : économie d’argent, économie d’énergie, économie d’effort. En optimisant la gestion des risques sur le lieu de travail, nos clients gagnent en efficacité, et donc en rentabilité. Quand elle est possible, nous procédons à la revalorisation des déchets ce qui est aussi un gain économique. Désirable parce que notre démarche créé un cercle vertueux au sein des entreprises. Avec de la pédagogie et notre approche personnalisée, c’est toute l’équipe qui se trouve impactée et partie prenante de l’aspect environnemental de son activité. Le design de nos boites participe aussi à la sensibilisation du personnel et met en valeur l’engagement de l’entreprise. Nous sommes loin de la benne affreuse qui encombre les espaces de l’entreprise et dans laquelle on se débarrasse de tout et n’importe quoi sans savoir exactement ce qu’il advient des détritus.

En vue de la COP21, quels sont pour vous les grands défis des prochaines années en matière de recyclage?

Aujourd’hui, le matériel juridique en matière de recyclage est dense. En France, les normes ont été largement influencées par les grands groupes sur tout ce qui concerne l’incinération et l’élimination des déchets. Les collectivités locales ont cédé à des groupes tels que Veolia ou Sita, des délégations de service public ou des concessions et en ont financé massivement les investissements nécessaires. Comme ces arrangements ont été conçus pour vingt ou trente ans, il est très compliqué de faire bouger les lignes… Pourtant, la réglementation européenne permettrait de faire évoluer le marché et de répondre mieux aux enjeux écologiques. Elle pourrait nous affranchir d’énormes contraintes administratives et surtout elle considère certains déchets non pas comme des objets à détruire (à la différence de la réglementation française) mais comme des objets recyclables. Ce que l’on qualifie de « matière secondaire ». Quand on sait qu’un grand nombre de filières de revalorisation existe déjà en France, on comprend tout l’enjeu qu’il y aurait à développer l’économie circulaire. C’est ce pour quoi nous nous battons chez Clikeco et c’est là que se situe notre stratégie de développement. Avec notre service de proximité et notre connaissance fine des déchets, nous pouvons aisément savoir s’ils sont revalorisables ou pas. L’évolution de notre métier à court terme sera de mettre en relation les entreprises ayant des matières revalorisables avec des entreprises en ayant besoin. Les déchets des uns seront les besoins des autres.

Pour en savoir plus sur le réseau Clikeco, rendez-vous sur clikeco.com.